En direct de... la cascade de Jaun
Notre série d'été vous emmène dans le petit monde des sources, des écosystèmes rares et très spécialisés qui abritent de nombreuses espèces menacées.

La quasi-totalité des sources sont aujourd'hui captées en Suisse. Les quelques rares sites encore à l'état naturel abritent des formes de vie très adaptées à la survie dans les eaux froides qui jaillissent du sol.
"Ces espèces ne peuvent vivre nulle part ailleurs", explique Jérôme Gremaud. "Même dix mètres plus en aval, l'eau s'est déjà trop réchauffée." Le biologiste, qui travaille comme consultant indépendant à Bulle, a participé à l'inventaire des sources naturelles dans le canton de Fribourg pour recenser les espèces animales qui y vivent.

Sous la cascade de Jaun, l'une des sources les plus impressionnantes du canton, le spécialiste fouille la mousse des rochers pour en faire sortir les habitants. "On reconnaît plusieurs groupes", explique-t-il en examinant ses prises dans un petit bac en plastique: des larves d'éphémères, de plécoptères et des gammares, des sortes de petites crevettes d'eau douce. "Pour connaître les espèces précises, il faudrait les examiner en détails au microscope."
Ce travail a été minutieusement mené sur plus d'une centaine de sites dans le canton de Fribourg. L'inventaire répertorie au total 350 sources, dont environ un tiers ont également fait l'objet d'un inventaire de la faune.
L'objectif est avant tout de préserver un patrimoine naturel très rare. Parmi les espèces de plécoptères connues en Suisse, 40% sont menacées. Un autre groupe, les trichoptères, compte un peu plus de 300 espèces dans le pays, dont une bonne partie vivent dans les sources. 51% d'entre elles sont menacés. "Ces animaux fournissent un service aux écosystèmes. Elles purifient et filtrent l'eau", rappelle Jérôme Gremaud. "C'est quelque chose qu'on sous-estime souvent."
Conseiller et protéger
Les données collectées lors de l'inventaire permettent de conseiller les propriétaires et les exploitants de terrains pour préserver au mieux les sources de la pollution et des dégâts. "Cela arrive assez souvent que des bêtes de troupeau piétinent une source sur un alpage. Une protection sur quelques mètres carrés suffit à la protéger", présente Jérôme Gremaud.
Le travail des biologistes pourrait aussi permettre de revitaliser une partie de ces sources, pour qu'elle remplissent leur rôle de milieu naturel. "Cela ne veut pas dire qu'on les mets sous cloche", précise Jérôme Gremaud. "L'idée est d'avoir une utilisation rationnelle de ces ressources."